Acrobate, Matthieu Gary fait avec humour une rétrospective de l’histoire du saut périlleux et démontre, sur la scène du Rond-Point de vraies qualités de comédien dans un spectacle foncièrement original.

Tout commence par un visuel s’offrant au regard des spectateurs et leur enjoignant de ne surtout pas tenter de reproduire ce qu’ils vont voir. En attendant que les rangées se remplissent complétement, l’artiste est là, en tee-shirt et pantalon de survêtement, qui arpente la salle. Puis il commence. Il décrit les différents sauts périlleux possibles, raconte avec humour comment, prudent, il a toujours évité les figures pouvant le mettre en péril et de quelle manière son art lui servait de monnaie d’échange dans les bars que tout jeune il fréquentait : un saut contre une pinte ! Le plus recherché et le plus récompensé étant le saut périlleux raté ! On le suit dans son évocation de ses ancêtres acrobates et des diverses figures techniques qui caractérisent sa discipline, on rit à l’évocation de son étrange découverte faite dans une église romane aux conséquences surprenantes. Et nous ne sommes pas au bout de nos surprises. Les soixante-quinze minutes que nous passons avec lui sont palpitantes et rarement la proximité avec un comédien aura été si grande. L’artiste se paie même le luxe de nous parler de Descartes (le passage est croustillant) ou encore des corps comme expression physique de la lutte des classes. Matthieu Gary, avec un incontestable talent de conteur, aborde des sujets très différents, tous liés à cet art auquel il a consacré sa vie. Si ce n’est les rires qui fusent ou les facéties auxquelles il se livre, l’on pourrait se croire revenu sur les bancs de l’école, suspendu aux lèvres d’un enseignant passionnant dont on ne voudrait rater le cours pour rien au monde. « Faire un tour sur soi-même » nous démontre à quel point la passion peut être contagieuse. C’est dire à quel point faire un tour au Rond-Point est la priorité absolue de cette fin de semaine.
Philippe Escalier – photo © Etienne Charles
