Destins Croisés

La pièce de Soizik Moreau aux Corps-Saints procure aux spectateurs un triple plaisir trop rare : entendre un texte magnifique qui dresse un portrait réaliste et implacable de Napoléon, joué par deux excellents comédiens.

Les pièces historiques présentent parfois l’inconvénient de prendre quelques libertés avec la réalité. « Destins Croisés » fait exception à la règle et marie une superbe construction dramatique avec un scrupuleux travail d’historien.

En 1804, le général Moreau est emprisonné et injustement accusé de conspiration royaliste. Pas étonnant, le ministre de la police, Fouché, étant l’une des pires crapules de l’Histoire ! Napoléon qui sait à quel point il est mal entouré et qui connait la valeur militaire (inestimable) et la popularité de Moreau, rechigne à se passer d’un homme qui serait un atout maître dans son jeu.

Adulé par ses hommes dont il se soucie d’économiser le sang, Moreau est, en effet, à l’opposé de Napoléon, avant tout soucieux de sa gloire, quoi qu’il en coute !  Il s’agit donc, pour lui, de regagner la confiance de ce général vertueux. Pour cela, le dictateur use de tous les moyens, prouvant par là même à quel point il est tortueux et peu fiable. Moreau n’est pas dupe et ne plie pas, refusant d’associer le crime et la vertu. Le duc d’Enghien vient d’être assassiné, prouvant que Napoléon, prêt à tout, ne redeviendra jamais Bonaparte. Pour Moreau, toute entente est impossible, à moins de piétiner le sens de l’honneur qui lui est si cher.

Soizik Moreau (dont l’homonymie avec le général n’est que fortuite) orchestre un incroyable duel qui s’étale dans le temps entre 1804 et 1821. Avec la plume d’un grand auteur, elle dresse un double portrait : celui de Moreau, qui avait tout pour lui, hors l’ambition de prendre le pouvoir et celui de Napoléon dont l’objectif premier était de construire sa gloire.

Il fallait deux comédiens hors norme pour donner à ce texte tout son relief et toute sa saveur. Jean-Louis Cassarino incarne avec force un magnifique Moreau, Arnaud Arbessier donnant vie à un Empereur, aussi convaincant que possible. Y compris physiquement, chacun correspond à son personnage. Parfaitement mis en scène par Antoine Campo, ils excellent et les amateurs d’Histoire, de beaux textes et de théâtre trouveront toutes les raisons de sortir enchantés de ce spectacle.

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About Sensitif

Journaliste et photographe dans le domaine du spectacle vivant.
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