Clément Marchand

« Frère(s) », la première pièce de Clément Marchand, auteur, scénariste, rencontre un franc succès et sera programmée au Festival d’Avignon au Théâtre des Corps Saints. Avec une actualité riche sur laquelle nous revenons, il sort de l’ombre et s’affiche comme un auteur aimant raconter des histoires avec lequel le théâtre va devoir compter.

« Frère(s) » s’accompagne pour vous d’une riche actualité. À commencer par le film d’Artus. Pouvez-vous nous dire quelques mots à ce sujet ?

J’ai eu la chance de co-écrire « Un p’tit truc en plus » avec Artus et Milan Mauger. Nous nous sommes rencontrés sur l’écriture d’une série encore en développement. L’entente était parfaite et au bout de quelque temps, Artus nous a parlé de ce film dont il mûrissait l’idée depuis longtemps. C’était un projet très important pour lui et il nous a proposé de l’accompagner dans l’écriture du scénario. J’ai encore du mal à croire au succès que le film rencontre…  C’est pour moi une forme de validation, car c’est un projet dont tout le monde, au minimum, aura entendu parler. C’est le genre d’aventure qui change la vie d’un auteur.

Toujours en tant que scénariste, j’ai travaillé sur un film d’action, dont le tournage se termine bientôt. Et sur la série « Septième Ciel », dont la saison 2 sera bientôt diffusée sur OCS.

En parallèle je développe plusieurs longs métrages et séries pour le cinéma ou les plateformes. C’est dense mais le métier de scénariste est un peu particulier : nous avons beaucoup de projets mais tous n’aboutissent pas, loin de là ! Aujourd’hui, je vais pouvoir faire des choix et me concentrer sur ceux qui me paraissent les plus intéressants.

Comment en êtes-vous venu à écrire pour le théâtre ?

De manière un peu inattendue. En 2020, je travaillais sur un spectacle de théâtre immersif, une très grosse machine, avec une vingtaine de personnes au plateau. Dans ce projet, j’étais entre l’écriture et la direction d’acteurs qui m’intéresse beaucoup. C’est ainsi que j’ai rencontré Guillaume Tagnati, l’un des deux personnages de « Frère(s) ». Il me parle alors de sa compagnie gérée avec Jean-Baptiste Guinchard (l’autre personnage de la pièce) et me fait part de son souhait de travailler avec moi sur un texte dont je serai l’auteur. On sortait à peine du Covid et j’ai pensé que travailler sur une petite forme, pouvant tourner partout, cela allait m’amuser et je me suis lancé. Nous avons commencé modestement nos répétitions dans un laboratoire de cuisine à Montreuil, chez une amie. La thématique de la cuisine (qui est assez fédératrice) me plaisait mais je ne voulais pas que ce soit le seul sujet. En découvrant la proximité existante entre les deux comédiens, le registre de l’amitié s’est imposé comme point d’ancrage du spectacle. L’amitié est un des piliers de ma vie et j’ai eu envie de mixer ce sujet avec celui de la cuisine. Je trouve qu’il y a dans l’amitié une ampleur émotionnelle et puissante qui, selon moi, n’est jamais assez racontée. Par ce biais, j’ai mis beaucoup de moi dans cette pièce, mais transposé dans une histoire qui n’est pas la mienne. Un décalage indispensable pour s’emparer de la fiction !

Sur un plan pratique, les choses ont été difficiles à mettre en place ?

Ce n’est jamais simple mais nous avons eu de la chance sur ce spectacle : à toutes les étapes, nous avons été soutenus. À commencer par la directrice du théâtre qui nous a accueilli en résidence et qui un jour, passe une tête en répétition. Séduite par notre travail, elle décide de nous programmer. C’est le moment où je prends conscience de ma capacité à écrire une pièce et à mettre en scène. Nous en sommes aujourd’hui à un projet soutenu par des producteurs et des théâtres associés. Là aussi c’est une forme de validation. Alors j’ai envie de me réserver de plus en plus de temps pour le théâtre… d’autant que les métiers de scénariste et de metteur en scène vont bien ensemble !

En vous écoutant, l’on comprend que pour vous, le collectif est très important !

Oui, nous avons eu un processus de création bien huilé et très collectif en effet. L’entente est parfaite et nous travaillons vraiment ensemble. Tout est une histoire de rencontres. Je n’avais pas d’idée préconçue de ce que je voulais raconter et j’ai créé les deux personnages en fonction des deux comédiens. Pour eux et avec eux. C’est une façon d’écrire, très agréable, un peu sur le vif, donnant au texte des aspects très sincères qui réjouissent le public et qui viennent contrebalancer tout ce qui doit être construit dans un spectacle. Plus tard, quand la musique est arrivée, j’ai retravaillé mon texte, j’ai fait de même quand est venu le temps d’intégrer la chorégraphie et ce pour avoir une symbiose parfaite entre tous les éléments du spectacle.

Selon vous, quelles sont les caractéristiques de votre écriture ?

Je suis attiré par la comédie dramatique, ayant toujours besoin d’une forme de légèreté dans l’écriture sans pour autant rester dans le registre de la comédie pure. Le rire seul où les larmes seules ne m’intéressent pas. Sensible, j’aime bien passer de l’un à l’autre, un peu comme dans la vie ! Je n’aime pas le pathos et je suis un adepte du rire « capable de désamorcer le réel » comme disait Romain Gary. J’ai des obsessions de metteur en scène : le sourire triste comme dans le monologue d’Oncle Vania où il raconte la déception de sa vie et ce sentiment d’avoir, à un moment donné, raté le train ! Je me sens à l’aise sur un entre-deux, sur cette forme hybride que l’on a plus de facilité à construire au théâtre.

Pour finir, comment peut-on résumer votre parcours ? Vous avez toujours aimé écrire ?

Je pense que j’ai toujours voulu écrire, j’ai toujours aimé cela. Gamin, j’ai commencé plein de romans… que je n’ai jamais fini. Plus tard, en cours, tout s’est bien passé. Un peu trop bien sans doute. J’ai fait une Prépa Henri IV, puis Sciences Po… Je faisais déjà pas mal de théâtre mais je n’assumais pas du tout d’embrasser une carrière artistique. Mon premier job a été dans une start-up. Et puis se produit une conjonction décisive : ma boite fait faillite et j’ai un accident grave suivi d’un long séjour à l’hôpital. C’est le moment où j’ai réalisé que la vie est courte, j’avais fait tout ce qu’on attendait de moi. J’ai donc voulu me donner du temps pour essayer autre chose et j’ai intégré une école de théâtre. Comme comédien, je n’avais pas tout à fait le feu sacré, il me fallait donc trouver un travail à côté et j’avais des amis qui écrivaient pour la télé. J’aime bien les blagues donc j’ai commencé à écrire pour des humoristes. De là, je suis rentré chez Canal +. Et puis je me suis lassé du flux et du côté éphémère de cette écriture. J’ai eu envie de raconter des histoires plus importantes, qui durent, d’où ce métier de scénariste, avant de boucler la boucle et de revenir enfin au théâtre.

Philippe Escalier – photo © Hugo Roux

A propos Sensitif

Journaliste et photographe dans le domaine du spectacle vivant.
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