Les Secrets de la Méduse

Sur la scène du Théâtre de la Huchette, Geoffrey Callènes se glisse dans la peau d’une dizaine de personnages pour nous faire revivre le drame d’un célèbre naufrage. Cette petite leçon d’Histoire passionnante est d’abord et surtout une grande performance d’acteur.

Dés les premières secondes, dans une mise en scène très épurée, jouant sur les lumières et l’ambiance, l’on comprend que tout va reposer sur le talent de Geoffrey Callènes. De fait, ce récit polyphonique permet d’entendre quelques-uns des passagers et de comprendre ce qui a provoqué l’ensablement fatal de la frégate au large de la Mauritanie. Nous le comprenons d’autant mieux que l’aisance phénoménale de l’acteur nous permet d’assister à la montée en tension et à ces scènes effarantes de survie sur le radeau comme si nous avions dix comédiens sous les yeux déclamant le texte plein de vie et de rebondissements écrit par Antoine Guiraud (qui en est aussi le metteur en scène) et Geoffrey Callènes. Ils nous donnent avec brio tout le background de cette histoire alors que le tableau illustre de Théodore Géricault a préempté les circonstances de ce naufrage responsable de 160 morts dus à l’incompétence d’un aristocrate resté plus de vingt cinq ans sans avoir navigué, affecté à ce commandement par favoritisme quelques mois après l’effondrement du Premier empire. Ce spectacle, qui nous tient en haleine sans discontinuer, se montre digne du chef-d’œuvre peint par Géricault à vingt-huit ans, soit quatre ans avant de disparaitre prématurément.
La subtilité de Geoffrey Callènes, sa faconde, son physique font de lui un acteur taillé pour les personnages d’époque. Son talent explosait déjà dans « Les Trois Mousquetaires » mis en scène par Charlotte Matzneff ou dans le « Cyrano de Bergerac » monté par Jean-Philippe Daguerre. Cette création qui lui tient visiblement à cœur lui permet de retracer l’histoire d’un tableau, lui qui est aussi doué pour la peinture et qui expose régulièrement. Cet acteur haut en couleur amoureux de la peinture était donc bien le mieux placé pour nous offrir une traversée que nous ne sommes pas prêts d’oublier.

Philippe Escalier

A propos Sensitif

Journaliste et photographe dans le domaine du spectacle vivant.
Cet article, publié dans Histoire, Spectacle vivant, Théâtre, est tagué , , , , , , , , , , , . Ajoutez ce permalien à vos favoris.

Laisser un commentaire