Jean Moulin, Evangile

Aborder la vie de Jean Moulin, et principalement ses trois dernières années, est le défi auquel s’est attelé Jean-Marie Besset. Un texte subtil et limpide, une superbe troupe et un metteur en scène très inspiré (Régis de Martrin-Donos) permettent de voir un spectacle d’une force et d’une originalité rares.
Si l’auteur a qualifié l’œuvre de fiction historique, on en retiendra d’abord la vision acérée sur les années noires d’Occupation et on ne pourra que conseiller la pièce à des professeurs d’Histoire soucieux de sensibiliser leurs élèves à cette période si fondamentale, pendant laquelle l’humanité fut remise en question.
Tout commence en juin 1940. Aux mains des Allemands, le Préfet Moulin préfère le suicide au déshonneur (Arnaud Denis interprète le rôle titre avec la force et la conviction du grand acteur qu’il est déjà). La tentative échoue et l’homme qui a la France chevillée au corps va décider de se battre (à un moment où le pays vaincu, envahi et traumatisé croit trouver en Pétain un sauveur). Sa rencontre avec Charles de Gaulle, qui aurait pu dire à l’époque, « l’Etat c’est moi ! », est alors inéluctable (Stéphane Dausse endosse les habits du général de manière époustouflante). Cette symbiose, (on n’ose pas dire cette collaboration !) est faite d’un grand respect mutuel. Les échanges entre les deux hommes donnent les moments les plus jouissifs de la pièce. La fresque reste précise et Jean-Marie Besset ne manque pas de camper quelques autres grandes figures, telle qu’Henry Fresnay ou Pierre de Bénouville, de décrire les luttes de pouvoir et surtout, de faire du héros de la Résistance, le portrait le plus précis possible, tout en finesse. On y verra la noblesse de Moulin, ses peurs devant un monde barbare qui l’oblige à sacrifier son existence que l’on sait faite d’engagements, de combats moraux, mais aussi, beaucoup le découvriront, d’une très probable attirance pour les hommes que ni la période, ni sa personnalité lui permettent d’assumer.
« Aujourd’hui, jeunesse, puisses-tu penser à cet homme comme tu aurais approché tes mains de sa pauvre face informe du dernier jour, de ses lèvres qui n’avaient pas parlé ; ce jour-là, elle était le visage de la France… » a dit avec tant d’émotion André Malraux au moment de faire entrer Jean Moulin au Panthéon en 1964. Jean-Marie Besset nous donne à voir le visage de Jean Moulin d’une façon qui fait honneur au personnage et au théâtre. Il convient pour finir de saluer ici les autres membres de la troupe, tous remarquables, Sophie Tellier, Gonzague Van Bervesselès, Laurent Charpentier, Chloé Lambert, Loulou Hanssen, Michael Evans et l’auteur qui incarne un résistant.
Théâtre 14 : 20, avenue Marc Sangnier, 75014 Paris
Mardi, vendredi et samedi à 20 h 30 – Mercredi et jeudi à 19 h et matinée samedi à 16 h
01 45 45 49 77
Texte et photo : Philippe ESCALIERDSC_9412

A propos Sensitif

Journaliste, photographe, éditeur du magazine Sensitif : www.sensitif.fr
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