En adaptant l’un des plus grands romans de la littérature américaine, le Théâtre de la Huchette, entourée d’une équipe de choc, démontre une nouvelle fois sa capacité à nous surprendre et à nous éblouir.
Huit ans après Les Aventures de Tom Sayer, Marc Twain publie ce qui sera le second pilier majeur de son œuvre, inspiré pour partie de sa propre expérience de pilote de bateau à vapeur du Mississippi, Les Aventures de Huckleberry Finn. Dans cette descente du grand fleuve américain, un jeune garçon maltraité par son père et un esclave noir sont en fuite sur un radeau de fortune et ce, en plein milieu du XIXème. L’occasion pour le premier de vivre un grand voyage initiatique, pour le second de tenter d’échapper à sa condition. Les thèmes de l’émancipation, de l’indicible bêtise du racisme et de la férocité qui l’accompagne, sont traités à travers une belle histoire d’amitié ponctuée de nombreux rebondissements et de rencontres multiples au cours desquels leur vie sera mise en danger. En d’autres termes, si l’aventure est bien présente, ce n’est pas au détriment d’une réflexion profonde sur l’injustice établie au cœur des société, en particulier la société américaine et l’éternel combat pour le respect de la dignité humaine, si souvent menacée.
L’adaptation d’un roman épique est une vraie gageure, plus encore sous sa forme musicale et sur une scène aux dimensions aussi intimistes que celle du théâtre de la Huchette. Le réussite du spectacle tient à l’alignement de quatre planètes. D’une part une mise en scène de Hélène Cohen, aussi inventive que possible, usant de tous les stratagèmes et de toutes les finesses pour incarner le roman, nous transporter dans l’espace et dans le temps, avec une mise en abyme particulièrement subtile à travers un mini théâtre de marionnettes en arrière fond. Ensuite une superbe partition musicale signée Didier Bailly ponctuant de façon très originale et sur de superbes thèmes, le récit, permettant ainsi au talent de parolier d’Eric Chantelauze, qui n’est plus à démontrer, de s’exprimer pleinement. Last but not least, les trois comédiens sont magnifiques : Morgane L’Hostis étonnante, donnant son allure un peu androgyne au jeune héros, Joël O’Cangha, donne à l’esclave sa dimension juste et sensible et Joël O’Cangha est truculent (Maître de cérémonie et autres apparitions). Tous méritent un flot de louanges pour la qualité de leur interprétation et les exploits (joués et chantés) qu’ils réalisent sur scène.
L’occasion d’aller revisiter le roman de Mark Twain et de constater de visu les miracles que peut réaliser le spectacle vivant quand l’imagination et les talents sont au rendez-vous est trop belle pour que nous la laissions passer.
Texte et photos Philippe Escalier
Théâtre de la Huchette : 23, rue de La Huchette, 75005 Paris
Du mardi au vendredi à 21 h et samedi à 16 h et 21 h
01 43 26 38 99 – http://www.theatre-huchette.com