Photo Stéphane Berthelot
Après la chanson, le one-woman show, la comédie musicale et
la télé, Marianne James arrive au théâtre avec un texte, un vrai, signé Hanokh
Levin. Dans Les Insatiables joués
au Studio des Champs-Élysées,
fidèle à elle-même, elle surprend et séduit. Quarante numéros après,
une occasion en or de fêter les retrouvailles de Sensitif avec l’artiste qui
continue à ne laisser personne indifférent.
Comment as-tu
décroché le rôle de Bella ?
Tout part de la metteuse en scène Guilda Braoudé. Elle connaissait
la pièce en hébreu, elle savait qu’elle allait avoir une traductrice
adaptatrice merveilleuse, Lionel Abelanski et son mari Patrick Braoudé comme
acteurs. Elle m’a proposé le rôle tout au début, un an avant Rabbi Jacob. Elle voulait une femme plantureuse
comme les aime l’auteur, autoritaire, franche et naïve. On a fait une lecture
et tout a bien fonctionné. Il a fallu attendre le moment où tout le monde était
libre.
Un premier rôle au
théâtre, n’est-ce pas trop dur ?
Si ! Je suis une show-girl, je viens de la musique et
du chant, mon univers est là. Tout d’un coup, tout change et avec cette
proposition, j’ai compris que j’avais quelque chose d’important à jouer, un
virage à prendre dans ma vie et qu’il fallait y aller fort, pas en faisant
quelque chose de tiède comme mon dernier album, avec lequel j’ai pris une
claque assez douloureuse que je comprends mieux maintenant. Je savais à la
première lecture de ce texte féroce et corrosif que les gens allaient adorer ou
détester. Mais j’ai eu peur au moment de dire oui et de commencer à travailler
le rôle. Pendant les premières semaines de répétition, j’étais tout le temps en
alerte. Après, j’étais plus sereine et j’ai tracé !
Comment s’est passé
le travail de répétition ?
J’ai pensé à un coach puisque aujourd’hui, on prend un coach
pour tout, le sport, le boulot, la cuisine… Ce n’était pas évident, pour la
première fois, j’entrais dans des mots qui n’étaient pas les miens. Même dans Rabbi Jacob, Étienne de Balasy et Gérald
Sibleyras m’ont fait du sur-mesure. Là, on remet les compteurs à zéro, il n’y a
pas une virgule, pas une respiration qui soit à toi. Ce n’est pas ta vie, pas
ton pays, pas ton rapport aux hommes, encore moins aux femmes. Et on te demande
de l’endosser à mille pour cent. Jusqu’à présent, je rentrais dans mes
personnages et là, c’est Bella qui me rentre dedans ! Mon corps s’est
retrouvé habité ! Il m’a fallu faire de la place à cette femme. J’ai dû
trouver une voix pour elle, porter des jupes fendues alors que je ne porte jamais
de jupes, me tenir sur des talons, apprendre à me lever, à m’asseoir, savoir
chevaucher un homme… différemment (rires) !
Justement, la scène
érotique, qui est si drôle, est-ce elle qui t’a donné envie de faire la séance
de pose pour Gala ?
Oui, quelque part. Avec le photographe Gilles-Marie
Zimmermann, que je connais depuis deux collections avec La Redoute – il a
juste beaucoup de talent et il photographie les plus beaux mannequins au monde,
mais aussi parfois des femmes comme moi, avec une autre beauté –, on en parlait
souvent. Quand j’ai cru comprendre que Gala
était intéressé par des vêtements de La Redoute qui rencontrent des bijoux de
la place Vendôme, j’ai trouvé cela très actuel. On s’est dit alors que l’on
pouvait inviter une femme ronde, grosse (c’est le mot !), à la table du
luxe.
La photo de couverture, il l’avait dans la tête et il me l’a
vendue. Je lui ai dit : « les
seins nus, oui, mais en dessous, j’ai un pantalon. Je les aime bien, moi, mes
pantalons ! » Il m’a répondu : « Ce sera Marianne sans la culotte, nue ! » Et il m’a
précisé : « Tu te mettras sur
un tabouret les jambes croisées en hauteur, tu auras mal au dos, mais on le
fera ! » J’ai eu peur mais j’ai bien aimé !
Marianne James a un
physique qui fait qu’on lui propose des rôles de femme dominatrice. Tu n’aurais
pas envie de sortir de ce genre de personnage ?
Bella n’est pas que dominatrice, c’est aussi par moment une
enfant qui va réclamer son dû avec des yeux pleins de larmes. J’ai une présence
physique, un caractère. Dès que je cesse de sourire, mon visage est tranquille,
mais il est aussi très austère. Si tu n’as pas la beauté, la beauté attendue,
celle des magazines, il est préférable d’avoir une gueule, une certaine
extravagance, une dureté (ce qu’on m’a demandé à « La Nouvelle Star »).
Cela ne me dérange pas, je suis un peu comme ça dans la vie aussi.
Mais pas
uniquement !
Ceux qui me connaissent bien savent que l’exigence ou une
certaine forme de dureté sont là pour me protéger. Et je dois me protéger parce
que j’ai quelque chose à l’intérieur de moi qui palpite et qui est fragile.
Sinon, je suis bien élevée, mais il ne faut pas m’emmerder ! Assez
rapidement, quiconque s’affronte à moi me trouve tout de suite, je ne tourne
jamais le dos. Parfois je me dis que je vais en prendre une dans le nez, mais
non, personne n’a osé. Je n’étais pas connue que je sauvais des gens dans le
métro soit en criant, soit en chantant, soit en faisant rire. J’ai un côté un
peu Robine des Bois… de la forêt-forêt (rires) ! J’aime les valeurs de courage, ce qui ne m’empêche
pas d’avoir peur. Et je veux bien jouer une soubrette diaphane, mais à
condition qu’à un moment donné, elle empoisonne toute la famille !