Propos recueillis par Grégory Moreira da Silva pour http://www.sensitif.fr
Il a eu la palme à Cannes mais n’a pas les pieds palmés.
Il est écrivain mais sa plume n’est pas son seul talent. Il connaît une
notoriété sans précédent depuis Entre les
murs mais ne parade pas sur un perchoir en lançant des cocoricos. Un oiseau
rare ? Assurément. François Bégaudeau surprend par sa simplicité et sa
gentillesse, qualités que beaucoup remisent au placard après une telle
récompense. Son film sort le 24 septembre au cinéma et s’annonce comme l’événement
incontournable de la rentrée.
Pouvez-vous présenter d’abord à nos lecteurs vos différentes
casquettes ?
C’est vrai que les gens me
connaissent en tant que professeur de français, écrivain, journaliste ou
dernièrement réalisateur. Mais mon activité de base reste l’écriture. C’est
grâce à elle que la médiatisation est venue par la suite il y a quatre ou cinq
ans. J’étais déjà un ado hyperactif et ça n’a guère changé depuis !
Racontez-nous un peu l’histoire que vous avez voulu mettre en images
dans votre film Entre les murs.
C’est donc l’histoire d’un prof
de français, la trentaine, qui se retrouve face à vingt-cinq ados dans une
classe dont il veut faire un espace d’expression démocratique. Mais cette
conception de l’enseignement va, à un moment donné, se retourner contre lui.
On ressent quelles sensations en recevant la palme d’or au festival de
Cannes ? Trône-t-elle désormais sur votre cheminée ?
Je crois qu’actuellement, elle
est à la production. La palme tourne pas mal au sein de l’équipe… Quant à la
sensation que cela procure, je suis toujours décevant dans ce genre de registre
car je ne suis pas très attaché aux récompenses. Le prix a moins de valeur que
ce que les gens vont penser du film. J’attends les critiques avec impatience. Ce
sera ma vraie récompense.
Ce qui me plaît avec cette palme,
c’est qu’elle va permettre au film de jouir d’une visibilité de masse, ce qui
est plutôt une bonne nouvelle pour le cinéma français.
Dans le film, il est question du vivre ensemble malgré les différences.
Cette année, le thème de la Marche des Fiertés était la lutte contre l’homophobie
en milieu scolaire. L’observateur éclairé que vous êtes du monde enseignant
a-t-il des idées pour faire régresser l’homophobie à l’école ?
Un film est là avant tout pour
poser des questions et complexifier le débat. Nous n’apportons aucune réponse
aux questions posées. Par ailleurs, le film ne traite pas de ce thème précis
même si je m’associe à la lutte contre l’homophobie. Moi je pense que c’est
surtout l’institution qui doit se poser des questions. Elle projette une image
universelle hétérosexuelle et blanche qui ne pose pas suffisamment la
thématique de la différence.
Et que
répondez-vous à Jean-Marie Le Pen qui déclarait sur I-télé à propos de votre
film qu’il s’agissait d’une « révélation
sur la composition des collèges français, en particulier parisiens » ?
Je ne savais même pas qu’il avait
dit ça… Vous savez, lui comme d’autres se permettent de parler d’un film qu’ils
n’ont pas vu : ça ne m’intéresse pas. Quant à la mixité ethnique et
sociale en milieu scolaire, ce n’est pas un scoop pour les gens. Ils sont au
courant qu’on est dans un pays cosmopolite et le film intègre un certain nombre
de réalités dont celle-ci.
Après un tel succès, que peut-on vous souhaiter et que vous
souhaitez-vous à vous-même ?
Pour moi, la page de ce film est
tournée. Elle l’est depuis le premier montage qui remonte à huit mois. Entre-temps, j’ai écrit deux livres. Le cinéma n’est pas une obsession, d’autant que j’ai
déjà des projets de films à produire depuis longtemps.
Je vais continuer mes activités,
sur Canal, sur Paris Première, dans Muse…
Je termine aussi un roman pour février et j’ai fort envie d’en écrire un autre
sur le thème de la jeunesse. Bref, ce ne sont pas les projets qui manquent. Il
y a donc bien un après Entre les murs
pour moi !