Pierre Talamon

Propos recueillis par Philippe Escalier pour Sensitif (mai 2008) : http://www.sensitif.fr

 

Que ce soit son parcours ou ses créations, Pierre
Talamon est certainement l’un des créateurs emblématiques du Marais et dont la
notoriété va grandissant. Nous profitons de l’appel à casting qu’il lance dans
les colonnes du magazine (voir page 21) en vue d’un défilé en juin
prochain pour faire plus ample connaissance avec lui.

 

Pierre, par quels chemins êtes-vous venu au stylisme
et à la création ?

 

Certes pas par la voie des écoles, dont j’ai toujours eu du mal à
supporter l’encadrement qui m’étouffait. Cela ne m’empêche pas de reconnaître
la qualité des écoles de mode aujourd’hui. Je fais régulièrement partie de
leurs jurys. Les étudiants y font un travail très intéressant.

Je suis autodidacte. Les rencontres, la volonté et la ténacité m’ont
conduit à créer ma propre marque. Je faisais des études de cinéma lorsque, pour
gagner un peu d’argent, j’ai travaillé pour des boutiques de vêtements
masculins rétro à Saint-Germain-des-Prés. Je chinais aux puces des tenues pour
des costumiers de cinéma. De fil en aiguille, j’ai signé une licence pour une
ligne de chemises, ouvert une boutique à Saint-Germain puis signé un contrat au
Japon. En 2002, j’ai ouvert le 15, rue du Temple. C’était un risque à prendre pour
pouvoir avancer. Je l’ai pris et je ne le regrette pas. Ce choix professionnel
m’a mûri et me rend heureux aujourd’hui.

 

Quelles sont les grandes étapes lorsque vous imaginez
une nouvelle collection et les priorités que vous avez en tête à ce moment-là ?

 

Le calendrier est imposé. Je travaille bien sous pression, avec du
stress. Puis il y a le déclic, l’envie. Un film, une musique, une peinture, une
situation vécue. J’élabore un thème. Je crée avec obsession ma gamme de
couleurs et je n’en sors plus. Je peaufine le détail qui marquera la
collection, qui en sera le leitmotiv, le fil conducteur. J’épingle les dessins
miniaturisés des vêtements sur un mur. Tout s’ordonne peu à peu, dans un
désordre organisé.

 

Pouvez-vous nous parler des grandes tendances de votre
collection hiver 2008 ?

En quelques mots, l’idée tourne autour du peintre Luciano Fontana
(Italien, années 50). Il attaquait littéralement ses toiles par des incisions.
Comme une blessure ouverte. Son travail est intéressant et peut être adapté au
textile. La collection sera mise en place en septembre prochain.

Je travaille actuellement sur la collection été 2009. L’idée en est le
manga, car le visage y est essentiel. J’avais envie de visages à l’expression
exagérée, théâtrale, dont l’œil omniprésent semble tout absorber, comprend tout
parce qu’il sait comment voir.

 

L’une de vos caractéristiques est que votre
fabrication reste française. On peut donc être compétitif en fabriquant dans
notre pays ?

 

Non. La situation a évolué. Beaucoup d’usines et d’ateliers français
ont dû fermer. Ceux qui s’en sortent ont su à temps opérer un mélange entre une
fabrication française et internationale (Europe de l’Est, Asie, Afrique du
Nord). L’important est de pouvoir exprimer sa créativité et d’offrir au client
un bon rapport qualité/prix. L’industrie textile française ne peut plus
répondre à cela. Je travaille donc aussi avec l’Asie, pour une faible partie de
ma production. Les mentalités évoluent. Il y a plus de réactivité et d’énergie
au-delà de nos frontières. Français, Chinois, Indiens, nous formons une belle
équipe. Nous sommes des citoyens du monde !

 

 

Vous organisez un casting, notamment avec le concours
de Sensitif, pour un défilé devant
intervenir durant le mois de juin. Comment allez-vous choisir vos mannequins ?
Peut-on en savoir un peu plus sur l’événement ?

 

Il se déroulera à L’Hôtel, rue des Beaux-Arts à Paris, un des plus
envoûtants hôtels de la capitale, dernière demeure d’Oscar Wilde. La
directrice, Caroline Piel, et mon agence de communication, Laurent Guyot, y
organiseront un défilé fin juin. Je n’ai pas d’idée préconçue sur les
mannequins, pourvu qu’ils sachent marcher et qu’ils soient à l’aise avec
eux-mêmes, le principal étant qu’ils puissent faire « vivre un
vêtement ».

 

Votre travail vous laisse-t-il beaucoup de
loisirs ? Que faites-vous dans ces périodes de repos ?

 

Cela dépend des priorités que l’on donne à certains moments de sa vie.
Je travaille beaucoup en ce moment. Sinon c’est surtout voir mes amis. Partager
des dîners ensemble. Cinéma, galeries d’art et longue marche à travers Paris.
Mais les plus beaux moments restent ceux vécus avec son amoureux. Ce sont des
moments magiques, comme volés, secrets, tenus à l’écart du monde.

 

Votre définition de l’amour ?

L’amour prolonge l’état amoureux. C’est un don qui se travaille au
quotidien. Il faut pouvoir se sortir de situations inextricables pour émerger à
la surface de soi-même. La sexualité, si intense soit-elle, ne suffit pas à
construire un couple, même si elle lui est nécessaire. J’aime les héros en
somme, accompagnés d’Éros !

 

 

Quels endroits aimez-vous fréquenter à Paris ?

 

Deux ou trois exemples : le Café Beaubourg pour les rendez-vous
professionnels, le bar de l’Étienne Marcel pour son côté cosy, la terrasse de
la pointe Saint-Eustache pour observer les gens passer, l’Hemingway du Ritz
pour le superfeutré quand je veux être très tranquille. Pour faire la fête, je
sors en boîte : Bobino, le Cab, Les Bains, le Bataclan… et toutes les
soirées de Laurent G.

 

Selon vous, quel est le pays le mieux habillé et le
plus sensible à la mode ?

 

Un tiercé : Italie, Angleterre, France. Faites comme moi,
asseyez-vous à une terrasse de café à Londres, Paris et Milan et regardez
passer les gens !

 

Boutique Pierre Talamon

15, rue du Temple

75004 Paris

 

A propos Sensitif

Journaliste, photographe, éditeur du magazine Sensitif : www.sensitif.fr
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