Par Philippe Escalier pour Sensitif, www.sensitif.fr
Depuis ses débuts, Arnaud Denis, âgé de vingt-quatre ans, a toujours étonné. La qualité de son jeu et l’ingéniosité de ses mises en scène ont su redonner le goût du théâtre à un public ouvert, fidèle et de plus en plus nombreux. Après La Cantatrice chauve et Les Fourberies de Scapin, il nous offre une très belle adaptation de L’Ingénu de Voltaire par Jean Cosmos. L’occasion pour nous de faire le point sur son travail.
Comment avez-vous réussi à monter L’Ingénu ?
Récolter de l’argent, obtenir une subvention prend beaucoup de temps et d’énergie. On investit de moins en moins dans le théâtre. Nous avons eu une chance énorme qui a permis de monter ce spectacle : Les Fourberies de Scapin ont remporté le premier prix des jeunes compagnies du Festival d’Anjou organisé par Nicolas Briançon. C’est grâce à cet argent que nous sommes là !
D’où viennent les membres de votre compagnie Les Compagnons de la Chimère ?
Le noyau dur, une dizaine de comédiens, est très majoritairement constitué d’anciens élèves de Jean-Laurent Cochet. Nous sommes ensemble depuis quatre ans et même lorsque nous ne jouons pas, nous nous retrouvons pour travailler. J’ai eu la chance de les réunir pour leur talent et leurs qualités humaines. Avec eux, l’osmose est totale : nous sommes tous voués à ce métier, avec de la passion et de l’humilité. Dans un second temps, j’ai rencontré Jean-Pierre Leroux (il administre et il joue) et son expérience nous a fait gagner dix ans !
Créer des spectacles est très compliqué et onéreux, vous venez de le dire. Dans ces conditions, comment gagnez-vous votre vie ?
Nos spectacles ont eu la chance de partir en tournée. Ce sont des moments où l’on peut être enfin correctement payé ! On a fait les festivals d’été, on a pu jouer devant des salles de mille cinq cents personnes. Il y a aussi le cinéma et la télévision, qui sont plus rémunérateurs. J’ai tourné dans Monsieur Max, le dernier film avec Jean-Claude Brialy, dans Elles et moi avec Danielle Darieux et Jean-Pierre Marielle. Et puis nous sommes payés par la compagnie tous les soirs de représentation par un cachet minimum.
Vous enseignez aussi. Quelle serait, selon vous, votre marque de fabrique ?
Je n’en ai pas ! Je n’aime pas le rapport professeur-élève. Je ne peux pas témoigner d’une grande carrière mais je me retrouve en eux, je sais la difficulté qu’ils peuvent ressentir et je leur apporte mon expérience de terrain. Ma compagnie, par exemple, s’est vraiment formée dans les tournées. Quand on a soixante dates dans soixante lieux différents, c’est une école extraordinaire que des années de cours ne peuvent remplacer !
Y-a-t-il un moment où vous avez besoin de déconnecter et où vous ne voulez plus entendre parler de théâtre ?
Non, jamais ! La diversité des aventures fait que c’est toujours passionnant. Je change de registre (j’ai joué Ionesco, Molière, Ibsen), de lieux, de fonctions, je suis en émerveillement constant. Parfois, j’ai des moments de fatigue et pour me recentrer, je reprends un spectacle seul, comme j’ai pu le faire avec Les Fables de La Fontaine au Lucernaire. Actuellement nous arrivent diverses propositions passionnantes faites par de très beaux théâtres qui dépassent tout ce que nous pouvions espérer et qui vont me permettre d’être un peu moins surmené. Mais j’ai toujours soif de découvrir, de construire, de jouer, je ne peux pas m’en lasser !
L’Ingénu se joue au Vingtième Théâtre
7, rue des Plâtrières 75020 Paris M° Ménilmontant
Du mardi au samedi à 21 h 30 et le dimanche à 17 h 30
01 43 66 00 13