Le photographe Fred Goudon interviewé par Philippe Escalier pour le magazine Sensitif (www.sensitif.fr)
Auteur de trois livres et du calendrier des Dieux du stade 2006, Fred Goudon est à classer parmi les meilleurs photographes actuels, certainement l’un de ceux qui savent le mieux représenter le corps masculin.
Généreuses, d’une grande beauté, les photos de Fred Goudon se caractérisent par un subtil équilibre entre sensualité et virilité, tout en laissant apparaître le modèle sous son meilleur jour.
À côté de ses nombreuses qualités d’artiste, l’homme, originaire de Cannes, est d’une incroyable gentillesse, doté d’un esprit optimiste, marqué par une douceur et une joie de vivre constantes.
Après Bedtime Stories et Aqua, il vient de publier Sunday Morning aux Éditions Bruno Gmünder. Nous qui le connaissons et l’apprécions pour avoir la chance de travailler avec lui depuis les débuts de Sensitif, nous avons souhaité lui donner la parole, avec d’autant plus de plaisir que ce grand monsieur, toujours très pudique, s’exprime peu.
Comment est venue l’idée de faire le tout premier livre ?
Pour Bedtime Stories, mon premier recueil de photos, j’ai été démarché par l’éditeur Bruno Gmünder. Leur découvreur de talents ayant vu mes photos lors d’une exposition dans le Marais, ils m’ont proposé Bedtime Stories, sorti en 2000. Une fois ce premier livre réalisé, j’ai pensé aux suivants ! Aqua en 2005, Sunday Morning aujourd’hui. J’ai eu beaucoup de chance d’être repéré par lui et tu sais, le jour où tu reçois le premier exemplaire de ton livre, c’est un moment incroyable de fierté et de satisfaction. Notre travail est devenu très fusionnel, je lui suis fidèle et lui fais totalement confiance ; du reste, c’est lui qui a trouvé le titre Sunday Morning.
Les photos ont été faites où ?
Partout ! Beaucoup à Paris, dans le Sud, à Los Angeles, et puis à Barcelone.
Quels sont les rapports que le photographe entretient avec son modèle ?
Je veux que ce soit une envie réciproque d’avancer ensemble. D’une part, je sais ce que je veux, où je vais, je suis créatif… donc directif. D’autre part, c’est aussi le résultat d’un travail fait en commun.
Si tu devais faire un portait-robot de tes modèles ? Quelle est la proportion d’homos parmi eux ?
Je veux que mes photos montrent des mecs qui soient beaux, virils et naturels ; leur sexualité, quelle importance ? Ce qui me touche c’est qu’un homme robuste puisse aussi être doux et vulnérable. Quand je vois un beau garçon dans la rue, je l’imagine toujours dans un moment de tendresse. Il m’importe de l’amener à exprimer cette sensibilité. Il faut tout de même dire que la plupart des modèles que je photographie sont hétéros.
Est-ce le genre de situation que tu as trouvée avec les Dieux du stade ?
Non, pas vraiment. En temps normal, je tiens à ce que mes modèles prennent des poses et des attitudes les plus naturelles possibles. Les photos pour le calendrier des Dieux du stade sont très dirigées, très encadrées et pas spontanées. Je trouve que les photos des rugbymen ne leur ressemblent pas vraiment et c’est dommage ! Je crois que l’on peut faire des photos d’hommes qui restent virils, sans qu’il soit besoin de les mettre dans des positions aussi sophistiquées et ambiguës. C’est ce que je reproche à l’évolution de ce calendrier. En revanche, je suis plus qu’admiratif du génie de Max Guazzini, instigateur des Dieux du stade.
Comment recrutes-tu ?
Je reçois beaucoup de candidatures spontanées, parfois avec des photos prises à la maison, mais c’est très bien car la photogénie d’un modèle se voit vite. Il faut que je sois charmé, on ne photographie bien que ce qui nous plaît. Sinon, je fais aussi des castings sauvages dans la rue. Je prends quelques secondes pour expliquer ce que je fais et laisser ma carte avec l’adresse de mon site Internet pour que la personne puisse voir mon travail. C’est comme ça qu’un jour j’ai abordé un policier en service en bas de chez moi ; maintenant on travaille ensemble !
Es-tu déjà allé au-delà de la relation de travail ?
C’est comme partout. Il y a de belles rencontres. Elles sont rares mais fortes. Je peux citer les trois plus belles. Il y a d’abord Gilles, mon égérie (c’est lui qui est sur la couverture), nous nous sommes rencontrés il y a dix ans ; il est ma plus grande source d’inspiration et nous sommes les meilleurs amis du monde. Il y a aussi Brice (le modèle de Sensitif en janvier), avec qui j’ai fait des photos au Brésil. On a vraiment créé des liens, et nous sommes devenus très copains. Et puis, il y a des rencontres comme celle avec Greg, qui est dans mes trois livres. Je me souviens encore de ce casting dans une agence de mannequins à Nice, il avait vingt-deux ans, tout débutant. Dés que je l’ai vu, j’ai eu un coup de foudre incroyable. On a tout de suite fait une séance photo et ça a été très fort. On a continué à se rapprocher et on est devenu amant ! Ensemble nous avons vécu plusieurs années à Barcelone et à travers le monde, depuis nous nous sommes séparés. Aqua lui était dédié, je lui rends aussi hommage dans Sunday Morning parce que ces années ont été un beau cadeau.
Lorsqu’on est amoureux, est-on aussi productif ?
Il est vrai que j’ai besoin de vibrer pour faire mes photos, et là, j’étais moins disponible, plus accaparé par cette histoire affective très forte. Ceci dit, de cet amour, sont nés plein de projets, dont Aqua et Sunday Morning.
L’envie de faire des photos est apparue quand ?
J’avais seize ans, j’étais à New York, je suis allé voir une exposition de Bruce Weber. Il y avait des photos splendides faites à Rio justement. J’ai été touché par son travail qui a été une source d’inspiration pour moi, avec notamment cet équilibre entre virilité et sensibilité. Par la suite j’ai développé mon style, mais je lui dois une fière chandelle !
Et le premier que tu as photographié ?
À Los Angeles en 1984, mon premier amour, David, devient mon premier modèle ! Avec un appareil amateur, j’ai fait des photos de lui dont il s’est servi pour rentrer dans une agence qui m’a ensuite proposé de faire des photos pour leurs modèles… Voilà comment tout a commencé. Cela m’a permis d’avoir de nombreux contacts, de rencontrer des mannequins et de faire ma première exposition au cours de laquelle mon éditeur m’a repéré. La boucle est bouclée !
La relation avec eux est-elle toujours un peu amoureuse ?
Oui, un peu quelque part, mais elle est surtout passionnée ! Pour revenir à mes débuts, j’ai rencontré en boîte un garçon duquel je n’arrivais pas à détacher mes yeux. À un moment donné, ça l’a énervé, il est venu me demander pourquoi je le fixais ainsi. Je lui ai répondu que j’étais un jeune photographe et que j’aimerais le prendre en photo. Il a voulu savoir si j’étais homo et si je le désirais, ce à quoi j’ai répondu : « Oui, bien sûr ! » Ça l’a fait rire et il m’a dit qu’on allait faire l’amour, peut-être pas comme je le voudrais, mais à travers l’objectif de mon appareil photo ! Il avait un coup dans le nez, mais je l’ai pris au mot.
Alors, oui, c’est toujours un peu une histoire d’amour avec les modèles. Chez moi, tout passe par le cœur. J’ai un rapport d’affection avec eux et ils me le rendent bien. C’est très particulier et c’est très beau !
Y a-t-il un peu plus de nudité frontale dans Sunday Morning que dans les deux autres livres ?
Non, la proportion est la même. Pour moi, le nu est naturel. Et pourtant, je suis quelqu’un de pudique. Mais je ne vois pas pourquoi on ne montrerait pas un homme nu, à partir du moment où cela ne lui pose pas de problème. Ceci dit, j’ai besoin, avant de faire des photos, de voir le garçon déshabillé. La plupart du temps, les modèles sont à l’aise avec ça ! Je dirais que ça fait partie du boulot. Mais je suis loin de fantasmer là-dessus, ce que je trouve de plus attirant chez un homme ce sont ses jambes et ses bras !
Pour aborder un autre sujet, quel est le meilleur moyen de se faire connaître pour un photographe ?
Ses photos (Rires) ! Sérieusement, il y a les livres et puis le site, avec plusieurs milliers de visites par semaine, c’est vraiment la grande vitrine de mon travail. Il y a bien sûr les magazines et puis les blogs, ce phénomène assez nouveau qui prend de l’ampleur et qui devient un média à part entière.
Il faut communiquer pour être vu, c’est un gros boulot. Je ne suis pas très fort pour cela… Je suis là pour créer ; Louis Bataille, mon agent, s’occupe parfaitement de moi. Il aime ce que je fais et il démarche des clients potentiels, il travaillait pour l’agence Elite quand je suis arrivé à Paris et il m’a donné ma chance. En fait, il m’en a données deux car, pour la petite histoire, j’avais loupé le premier test !
Que fais-tu le dimanche matin ?
Je vais préparer le café ou le thé, accompagné de tartines, d’oranges pressées, etc., pour la personne qui est avec moi (je tiens cela de mon père) ! D’ailleurs, c’est fou ce que je peux faire comme café… c’est presque devenu ma seconde spécialité !
Sunday Morning est publié aux Éditions Bruno Gmünder
144 pages, 28,5 x 21,5 cm
Points de vente :
Fnac, Les Mots à la bouche, Blue Book Paris
http://www.amazon.fr ; http://www.adventice.com