Mon alter Hugo

Victor Hugo ce génie, ce géant, cette force qui va, ce tribun, démocrate et visionnaire a inspiré à Gérard Berliner un spectacle passionné.

On croit tout connaître des grands hommes et pourtant ! On rabâche toujours les mêmes œuvres ou les mêmes extraits, on se complait des mêmes anecdotes. Comme beaucoup d’hommes célèbres, Victor Hugo se fait de l’ombre à lui-même. L’un des mérites de Gérard Berliner est d’être allé dénicher l’homme privé derrière l’homme public. Sa méthode est simple, elle consiste à revêtir ses habits, à prendre son allure, à partager ses passions et ses combats. Barbe blanche et œil malicieux, on pourrait s’y tromper tant le comédien s’identifie au poète, au point que parfois, on ne sait plus trop qui s’exprime.

Pourtant dans ce mariage, chacun garde sa personnalité. Gerard Berliner dit un texte de sa composition avec une truculence peu commune. Rarement mots auront été dits avec une telle gourmandise. On boit ses paroles comme du petit lait, on le suit dans ses évocations entrecoupées de chansons accompagnées au piano par un autre grand, Roland Romanelli. On entend, non sans émotion qu’Hugo s’opposa à la peine de mort, combattit le travail des enfants, dénonça la misère, revendiqua les États-Unis d’Europe et la monnaie unique. Avec une bonne dose d’humour, on découvre l’amant passionné, trahi par sa femme pour un critique introverti et subjectif (Sainte-Beuve) puis l’homme amoureux de Juliette Drouet à en devenir possessif et mesquin. Non sans émotion, on se rappelle à quel point il détesta « Napoléon le Petit » et souffrit le martyr à la mort de sa fille. Et qu’il fut admiré par des millions de gens, dont des ouvriers sans le sou recourant à des loteries pour espérer lire ses livres et qui, le 22 mai 1885, remplirent les rues de Paris pour suivre son cercueil, chapeau bas, jusqu’au Panthéon.

Le talent de conteur de Gérard Berliner est grand. Son évocation humaine, sensible, fait naitre l’envie de se replonger dans l’œuvre du vieux lion, superbe et généreux.

Philippe Escalier

Petit Marigny : Carré Marigny M° Champs-Elysées-Clémenceau 75008 Paris – du mardi au samedi à 19h, matinée le samedi à 16h – 01 53 96 70 20

Photo Bernard Marie Palazon

A propos Sensitif

Journaliste, photographe, éditeur du magazine Sensitif : www.sensitif.fr
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6 commentaires pour Mon alter Hugo

  1. PATT dit :

    Bonjour,votre critique donne envie d\’aller le voir.Déja qu\’il est grand homme. Patt\’Desville

  2. emla dit :

    De l\’île de beauté je t\’adresse ce bonjour ensoleillé ( quoique, quoique ! ) et je profite de mon passage sur ton blog pour m\’oxygéner un peu et lire les critiques des spectacles parisiens que je ne verrai jamais à Ajaccio !

  3. Sylvain dit :

    Il est vrai que le spectacle doit être passionnant. Cependant qu\’un spectacle sur la vie d\’un poète ne soit pas l\’occasion de faire disparaître les travers de l\’homme…..Hugo, bien qu\’écrivain au talent diffcilement égalable, souffrait de nombreux défauts et de certaines prises de positions qui ne peuvent pas être défendues……Enfin, gardons son oeuvre, il est acquis qu\’il s\’agit de l\’une des plus riches de notre langue!L\’admiration conduit parfois à l\’éblouissement, et l\’éblouissement conduit toujours à l\’aveuglement!…….Je ne crois me tromper en disant que c\’est de lui en plus (m………….appliquons cette merveilleuse phrase à son auteur, et justice sera faite, et pour une fois, bien faite.

  4. Philippe dit :

    Quel homme n\’a pas ses défauts ? Il a mis du temps à se trouver…qui peut le lui reprocher ? Pour le reste, il a défendu et avec pragmatisme, de grandes causes. En tous cas, rien de bien grave à mettre à son passif, ou alors il va me falloir prendre un cours d\’histoire. Peu à critiquer donc, on ne peut pas en dire autant de tout le monde : cet après midi, pour me conformer à un horaire particulier, j\’étais revoir la formidable pièce de Nicolaï Erdman, "Le Mandat" au théâtre du Nord-Ouest, à la programme très variée, parfois même surprenante….En sortant, venant de l\’autre salle de spectacle où était programmé… Brasillach (drôle d\’idée de programmation!) : Le Pen ! Il est des rencontres que l\’on aime faire nulle part, moins encore dans un théâtre !

  5. Sylvain dit :

    Il est évident que croiser Le Pen au sortir d\’un spectacle a de quoi te traumatiser pour la semaine…..Mon cher Philippe je ne pense pas qu\’il te soit utile de reprendre un livre d\’histoire. Je constate cependant que la béatification permanente des artistes disparus a tendance à les présenter comme des personnages exceptionnels. Ce qu\’il y avait d\’exceptionnel chez Hugo était son talent littéraire. pour ce qui de son engagement politique…..il a su composer avec ses convictions à la fin de son existence pour pouvoir rentrer en France…..Comme quoi l\’orgueil, la fierté et peut-être l\’ambition, savent nous faire prendre des voies étonnantes.Pour le reste, loin de moi l\’idée de remettre en cause le talent immense de l\’auteur.En tous cas il a plus de talent que Dominique de Villepin…………………..

  6. Thierry dit :

    Et blam! Alors que j\’aime à me promener sur ce blog, d\’abord parce que l\’hôte y est fort sympathique, ensuite parce que les billets y sont des plus instructifs, voilà que je tombe sur des critiques de Victor HUGO, visionnaire et génie littéraire, et sur son homologue actuel, Dominique de VILLEPIN. Il faudrait voir à ne pas condamner aussi vite ces deux grands hommes. Pour ce qui est de Victor HUGO, je ne connais en rien un revirement politique qui soit blâmable: il refuse notamment de bénéficier d\’une quelconque amnistie jusqu\’en 1870 et a et aura toujours condamné le régime de Napoléon III, en tant que républicain pacifiste et internationaliste convaincu. "L\’honorer aujourd\’hui d\’un culte, c\’est croire à la force éternelle et triomphante du génie" disait Emile ZOLA à son sujet en 1885. Quant à Dominique de VILLEPIN, qui n\’a certes rien d\’égal dans sa littérature avec HUGO, n\’en demeure pas moins un humaniste et un puits de Science à qui il faut reconnaître l\’intelligence et la finesse (pas dans son style littéraire certes) qui lui sont dûes. Je déplore que nul ne soit prophète en son pays…De toute façon, Daffy et moi avions déjà exprimé nos opinions divergentes à propos de grands hommes. Je te rassure mon cher Daffy, je ne tombe pas dans l\’admiration éblouie et aveuglée, mais te trouve seulement peut-être un peu trop cruel…

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