Le mal de mère
Plus qu’une réussite, cette pièce intimiste, vivante et dynamique, mise en scène par Didier Brengarth au Tristan Bernard est une vraie révélation !
Nous sommes dans un coin perdu du Québec où, jadis, pour suivre un homme, Lucie a créé le scandale en abandonnant ses quatre enfants. Adultes, ils sont loin d’avoir digéré le drame. Luc porte le souvenir et parfois les habits de sa mère. Isabelle est restée un peu simplette sous la houlette de Catherine tandis que Martine a trouvé son salut de lesbienne en rejoignant l’armée. Cette famille éclatée se trouve réunie, au moment où le retour la mère indigne semble enfin au programme.
Entre de multiples rebondissements, alternant humour et émotion, l’œuvre du québécois Michel-Marc Bouchard (visiblement inspirée par les Muses) est captivante. La difficulté de vivre la famille est finement décrite. Ici les dialogues sont simples mais diablement efficaces. Couvée par sa grande sœur, parfois un peu malmenée, toujours un cahier à la main pour y écrire des mots nouveaux, Isabelle est le personnage pivot de la pièce. C’est elle qui est à l’origine des retrouvailles. Avec sa grande naïveté, elle met en évidence les fêlures de cette étrange fratrie. Malgré la tension toujours présente, ses attitudes et ses réparties font jaillir de la salle de grands éclats de rire. Dans ce rôle, Emmanuelle Bougerol réalise une prestation tout à fait exceptionnelle. À ses côtés, Magaly Godenaire est parfaite de sobriété et d’intensité, tout comme Stéphanie Colonna, tandis que David Macquart marque avec beaucoup de force les nombreux moments émouvants de la pièce.
Sans aucune vedette, jouée par une troupe jeune, il est réjouissant qu’un grand théâtre ait eu l’audace d’une telle programmation. Le pari est gagné au delà de tout espoir. « Les Muses orphelines » sont bien la surprise de cette année théâtrale.
Philippe Escalier
Tristan Bernard : 64 rue du Rocher 75008 – M° Villiers – du mardi au samedi à 21h, matinée samedi à 18h – 01 45 22 08 40